top of page

Retour sur les rencontres professionnelles du MASA

Le rendez-vous des arts du spectacle africain d’Abidjan en marge des différentes prestations a accordé une part belle à la réflexion. Placé sous le thème «Les arts du spectacle face au défi du numérique», la 8e édition du MASA a permis de se pencher, à travers des rencontres professionnelles, sur une question qui y va, de nos jours, de la compétitivité des artistes africains et de leurs créations sur le plan international.


De plus en plus de créateurs choisissent d’intégrer le numérique à leurs démarches artistiques non seulement comme moyens de création mais également de diffusion. Ainsi, loin d’être une simple concession à la modernité, l’irruption du virtuel a fait naître sur scène une certaine poésie, elle offre des possibilités de collaborations artistiques jadis inenvisageable et s’impose comme un canal majeur de diffusion de la création. En exemple, des musiciens peuvent de nos jours enregistrer un album sans se rencontrer ou plutôt on peut suivre en direct un spectacle qui se passe ailleurs en restant sur sa chaise. A travers les rencontres professionnelles du Marché des arts du spectacle africain (MASA), il était surtout question de présenter et d’analyser les changements de normes et de stratégies que le développement des technologies de l’information et de la communication amènent dans les différents secteurs de la musique, de la danse, du théâtre, du conte, de l’humour, etc. Dans les interventions des uns et des autres, qui devaient esquisser des pistes communes à la hauteur du défi du numérique pour les industries créatives en général, et pour les arts de la scène en particulier, si certains acteurs culturels sont très favorables à la nouvelle donne qu’offre cette science des techniques, d’autres n’hésitent pas à manifester leurs inquiétudes, au nombre desquels la reine mère Werewere Liking du village Kiyi ou Guiomar Alonso, chef unité Culture du bureau régional de l’Unesco. L’intrusion du numérique dans les arts du spectacle a induit de nouveaux modes de consommation des produits de création et cela n’est pas sans incidence sur l’économie de la culture en général mais aussi sur la législation qui doit s’adapter afin de garantir aux créateurs, notamment africains, des retombées à la hauteur de leur travail. Pour Etienne Minoungou, premier responsable des Récréâtrales au Burkina Faso, si l’Afrique a été devancée sur l’utilisation des TICs il ne faudra pas qu’elle perde dans la proposition du contenu. Issa Ouédraogo, administrateur du Carrefour international de théâtre de Ouagadougou (CITO), pour sa part a fait savoir que «quoiqu’on dise, on a besoin de cet outil pour véhiculer ce que nous faisons. Quand tu crée un spectacle, même si tu na pas les moyens pour sa diffusion tu peux le mettre sur internet ; il ya des avantages mais aussi des inconvénients et chacun va l’utiliser en conséquence». On peut retenir que de ces différentes rencontres, les interrogations suscitées vont dans le sens de : quelles nouvelles opportunités économiques représente la révolution numérique pour les arts du spectacle ? Quels sont les défis engendrés par ces opportunités ? Quelles législations peut-on envisager pour concilier les droits du créateur, du public et des opérateurs numériques ? Des questions, à notre sens, qui ne sauraient trouver de réelles réponses actuellement quand on connaît les réalités ou plus encore les préoccupations de nos populations en Afrique.

Jérôme William Bationo


Une œuvre de «caractère»

Situé à une trentaine de kilomètres au nord-est de la ville de Ouagadougou, le Village Opéra de Laongo ne cesse de se transformer en un cadre de rêves pour plus d’un. Certainement, comme l’avait voulu son géniteur, Christophe Schligensief. Devant abriter à terme une école, un centre sanitaire et une salle de théâtre, c’est une œuvre de cœur mais aussi de «caractère» que l’initiateur du projet a voulu laisser à la postérité.



Le palais des festivals est un projet qui tenait fortement à cœur à Christoph Schlingensief, artiste et célèbre metteur en scène allemand. Ayant vu la pose de sa première pierre à Tambi-Yargo, bourgade située dans la localité de Laongo, à quelques kilomètres de Ouagadougou, le Village Opéra est enfin une réalité. Les infrastructures pour ce projet, principalement une école, un centre sanitaire et une salle de théâtre, en quatre années, malgré le décès de leur initiateur, ont poussé comme des champignons. La nouvelle école attire non seulement les villageois et leurs enfants, mais aussi des touristes étrangers. Le centre sanitaire est en achèvement ainsi que d’autres ouvrages. C’est ainsi que Christophe Schlingensief concevait les choses, peut-on dire. En effet, le défunt metteur en scène souhaitait encourager les échanges culturels entre l’Afrique et l’Europe. Ainsi devront naître dans le village de Laongo une école, des infrastructures dévolues à l’art et à la musique, notamment des studios d’enregistrement, un restaurant, un hôpital et un théâtre pouvant accueillir 600 personnes. Le site, inauguré en février 2010, avait vu le début des travaux juste quelques temps après, grâce à des subventions publiques et privées, auxquelles ont contribué le Goethe-Institut et le ministère fédéral des Affaires étrangères.

Un site qui résiste malgré la disparition de son géniteur

À la mort de Christoph Schlingensief le 21 août 2010, quelques mois après le lancement des travaux,


sa veuve, Aino Laberenz, a poursuivi le projet avec son équipe et continue à superviser la construction du Village Opéra. Conçu par Francis Kéré, architecte burkinabè résidant en Allemagne, il est d’un coût estimé à plus de 1,5 milliard de francs CFA, soit environ 2,4 millions d’euros. Le site est implanté sur un terrain d’une superficie de cinq hectares et, malgré les difficultés qui pouvaient naître pour son exécution suite à la mort de Christoph, il a commencé à abriter une école pour 150 enfants et jeunes, des puits et des plaques solaires, un dispensaire, et bientôt le grand théâtre avec des salles de répétitions, une maison pour les hôtes, des ateliers pour des cours de musique et de réalisation de films, etc. Les travaux continuent grâce à l’abnégation de la veuve de Schlingensief, au soutien de bonnes volontés et celui des autorités allemandes. Outre la main d’œuvre qu’occasionnent les travaux, on peut dire que le Village Opéra, en survivant à la disparition de son géniteur, est en train de devenir une référence sous-régionale et une grande fierté pour le Burkina.

Jérôme William Bationo


Prosper Tiendrebéogo, directeur des arts plastiques et appliqués

«Un artiste qui n’arrive pas à se vendre deviendra un clochard»

Créée il y a peu de temps, la Direction des arts plastiques et appliqués (DAPA) du ministère de la Culture et du Tourisme du Burkina Faso contribue à sa manière à l’émergence du secteur des arts plastiques, encore très peu connu dans notre pays. Pour en savoir davantage sur cette nouvelle direction, ses attributs et ses ambitions, nous sommes allé à la rencontre de son premier responsable.

Qui est Prosper Tiendrebéogo, pour nos lecteurs qui le découvrent ?


Je suis Prosper Tiendrebéogo, Directeur des arts plastiques et appliqués (DAPA) au ministère de la Culture et du Tourisme du Burkina Faso. Je suis chargé de mettre en œuvre la politique nationale en matière d’arts plastiques et appliqués.

Pouvez-vous nous présenter davantage votre structure, la DAPA ?

La Direction des arts plastiques et appliqués (DAPA) est une nouvelle direction née de la scission d’une Direction générale, à savoir celle des arts de la scène, des arts plastiques et appliqués. Elle existe depuis début 2012. Les autorités en charge de la culture veulent mettre l’accent sur certains aspects des arts plastiques, d’où la naissance de cette direction. Elle a en charge un certain nombre d’actions telles que la favorisation de la création artistique, l’aide à la structuration de cette filière et à la professionnalisation de ses acteurs, la promotion au Burkina et en dehors puis la consommation des œuvres d’arts.

Quel est l’état des lieux du secteur des arts plastiques au Burkina Faso ?

On peut dire que c’est un secteur qui a des difficultés mais qui a de l’avenir car il est en train de


grandir dans notre pays. Longtemps marginalisés, les arts plastiques regorgent pourtant de grands hommes, notamment des artistes qui sont souvent plus connus à l’extérieur que dans notre propre pays. Une étude a montré que c’est un secteur qui crée beaucoup d’emplois et qui apporte de la plus-value dans les industries culturelles créatives.

Quelles sont les formes d’art que l’on classe dans ce domaine ?

Il faut dire que les frontières à ce niveau sont souvent un peu vagues pour beaucoup de personnes.

On essaie de mettre en parallèle des aspects liés à la plasticité, que nous comprenons, des pratiques artistiques qui, elles-mêmes se sont enrichies d’autres apports. On peut dire que les arts plastiques impliquent ce qu’on appelle les belles formes. Il s’agit de ce qu’on peut modeler pour donner une forme d’un point de vue artistique. Cependant, il faut reconnaître que les choses ont beaucoup évolué ce qui amène à parler souvent d’arts visuels. L’œuvre d’art, c’est celle qui exclut ce qui n’a pas une certaine cohérence esthétique. L’artisanat est plutôt inné, c’est ce qu’on confectionne à partir du vécu. Chez nous ici, par exemple, les chapeaux de Saponé sont des œuvres artisanales mais il y en a qui sont devenus des œuvres d’artisanat d’art car ayant été améliorés avec des décors et une certaine dextérité dans le complément de l’objet premier.

On parle également d’art composite, qui ne fait pas l’unanimité au niveau même des artistes ; qu’en est-il exactement ?

Le terme art composite n’existe pas en tant que tel. Il a été forgé au Burkina Faso. Il n’est pas exclu que dans l’évolution de toute chose il soit forgé à un moment donné certains concepts. C’est dans le souci d’intégrer de nouvelles formes de créations que cette expression est arrivée à la Semaine nationale de la Culture (SNC). On a constaté qu’en matière d’art il y avait des ajouts, on pouvait avoir par exemple au niveau de la peinture des apports qui donnaient du relief. Ainsi, lors d’une rencontre de réflexion sur la SNC, le terme a été retenu pour prendre en compte ces créations.

Il existe plusieurs associations d’artistes plasticiens pour le même secteur ; quels sont vos rapports avec celles-ci et comment appréciez-vous cela ?

Le nombre d’associations montre qu’il y a un certain dynamisme ; mais il faut dire aussi qu’il y a des défaillances qui sont constatées dans leurs structurations, leurs fonctionnements et même leurs gestions. C’est souvent entre les mains d’une seule personne, à savoir celle qui a eu l’idée de création de l’association, ce qui ne manque pas d’engendrer des problèmes de transparence et des polémiques par moments, entraînant du coup un mauvais fonctionnement. Une des actions de notre direction c’est d’amener toutes ces associations à être de plus en plus professionnelles pour leur permettre de faire des activités et d’exposer leurs œuvres plus facilement, contrairement à ce qui se passe actuellement. Nous voulons mettre bientôt en place une agence de financement des activités artistiques ; l’organisation de ces structures sera donc déterminante pour leur accompagnement.

Quel regard portez-vous sur les différentes créations des artistes burkinabè ?

J’ai un regard très positif en matière de création artistique dans notre pays, surtout dans le domaine de la peinture. Il y a un certain nombre d’artistes qui sont très connus, à l’image de Christophe Sawadogo, d’Ahmed Ouattara, d’André Sanou, etc. Dans la sculpture, des noms tels que Siriki Ky, Jean Luc Bambara, Sambo Boly et bien d’autres voyagent beaucoup ; et les artistes, on peut le dire, vivent pleinement de leur art. La photographie, le design et les autres arts jouissent aussi d’une bonne réputation. Cependant, il faut noter qu’il y a un tassement dans certaines disciplines. A force de ne pas sortir du pays pour partager d’autres expériences, les artistes font pratiquement les mêmes choses, ce qui joue aussi sur l’écoulement de leurs œuvres. De nos jours, on peut voyager sans se déplacer, à travers internet et diverses documentations. Ça permet d’aérer l’esprit et d’aller plus loin dans la création. Les jeunes qui viennent d’arriver sont à majorité autodidactes mais ils sont talentueux.

Le problème de la promotion des arts plastiques se pose ; cependant, à part le Centre national d’artisanat d’art (CNAA) et le Village artisanal de Ouagadougou (VAO), les espaces ne sont pas assez suffisants pour la diffusion des œuvres ; qu’est-ce qui est prévu à votre niveau ?

Une chose est de créer et une autre est de diffuser. Je le dis souvent, un artiste qui n’arrive pas à vendre deviendra un clochard ; car s’il crée des œuvres et qu’il n’arrive pas à trouver un espace de diffusion, ça sera dommage. Nous avons certaines structures, comme le Goethe Institut ou l’Institut français, qui donnent l’opportunité par moments à travers les expositions ; malheureusement, il n’y a pas assez d’espaces de diffusion et de promotion. Certains restaurants ou maisons d’hôtes acceptent des expositions, mais ce ne sont pas des endroits de légitimation des arts. A notre niveau, nous avons décidé d’amener l’art vers le public, ce qui nous a permis de faire des expositions avec une soixantaine d’œuvres dans différents ministères et institutions. Nous pensons cette année aller dans des endroits comme les hôpitaux ou les prisons. Nous prévoyons également la construction d’une galerie, avec toutes les commodités, qui sied et ça devrait coûter environ 300 millions de francs CFA.

Entrant toujours dans le cadre de la promotion des arts plastiques, il faut noter l’absence de professionnels tels que les agents d’artistes, les commissaires d’expositions, les journalistes spécialisés et/ou critiques, les curateurs, etc. Que fait votre direction pour pallier cela ?

Nous félicitons déjà les quelques journalistes que vous êtes qui s’intéressent au secteur qui, nous le savons, ont aussi besoin de se former, de se frotter à d’autres professionnels à travers le monde. Il y a des activités comme la biennale de Dakar où on devrait pouvoir envoyer quelques-uns d’entre vous par exemple. Notre souhait est que les gens embrassent un certain nombre de professions pour compléter tous les maillons de la chaîne. C’est un domaine porteur et nous n’hésitons pas à encourager le public à s’y investir. Nous allons initier des rencontres avec les professionnels pour voir dans quelles mesures le ministère de la Culture pourra accompagner les différents acteurs.

Avez-vous une adresse particulière à l’endroit de nos lecteurs ?

Tout d’abord vous dire merci et particulièrement à inviter le public à s’investir davantage dans les arts plastiques ; aussi aux potentiels mécènes de donner la chance à ce secteur afin de le faire rayonner au plan international, car on a de talentueux artistes ici au Burkina Faso.

Jérôme William Bationo

Partenaires

    Vous aimez notre plateforme? Merci de faire un don pour contribuer à son développement !

Faire un don avec PayPal

© OtherSide Africa 2018 par Belélé Jérôme William

bottom of page